Opinion

Pénurie de cadeaux, pénurie de bonheur ?

JULIEN VIDAL, photo par Manuel Vitali / Direction de la Communication
Rédigé par

Julien Vidal

Après avoir travaillé dans la solidarité internationale, Julien Vidal a lancé le mouvement Ça commence par moi (cacommenceparmoi.org) pour s’attaquer, en France, directement aux causes des dérèglements des éco-systèmes.

Shop now ! Vraiment ?

Il y a quelques jours, je voyais passer cette vidéo d’une journaliste aux États-Unis qui disait d’une voix grave : « La pénurie de jouets semble inéluctable et frappera durement les fêtes de Noël. Si vous ne voulez pas que les fêtes de fin d’année soient gâchées, faites vos emplettes maintenant. » Et elle répétait plusieurs fois comme un ordre : « Shop now ! Shop now ! Shop now ! » En creusant un peu, je me rends compte que ce défaut dans la chaîne d’approvisionnement des jouets toucherait le monde entier. Outre les embouteillages dans les ports, où les navires attendent de pouvoir décharger, les commerces subissent les effets de retard de production, à cause de confinements liés au Covid-19 dans certaines régions d’Asie où se trouvent des usines-clés. Encore une preuve de la fragilité du système économique mondial, où chaque pays est lié à une complexe succession de fabricants, de transporteurs, de logisticiens et où bien souvent, les pays où se font le gros des ventes n’ont que très peu de produits fabriqués sur leur propre territoire.

Si bien qu’aux Etats-Unis, Walmart et d'autres grands magasins ont affrété leurs propres bateaux pour tenter de contourner les retards chroniques dans les ports de la côte Ouest. D’autres enseignes ont choisi de recevoir leurs commandes plus tôt que d’habitude, de lancer en avance leurs promotions de Noël ou d'abandonner le transport maritime pour l'aérien. En France, certaines boutiques bien connues de vente de jouets ont même prévu des plus grands stocks pour anticiper cette « course aux cadeaux ».

Où est passé l’esprit de Noël ?

Cet épisode m’a beaucoup fait réfléchir. Bien sûr, la pénurie qui s’annonce montre à quel point la mondialisation a créé des points de fragilité dans notre système de consommation. Un bateau qui se bloque dans le canal de Suez peut laisser des rayons désespérément vides dans les magasins occidentaux. Ces mêmes pays qui ont connu ces dernières décennies plusieurs vagues de désindustrialisation et qui se retrouvent de plus en plus dépendants de fabricants situés à l’autre bout de la planète.

Mais de manière plus terre à terre, cet épisode me laisse songeur quant à la relation que nous entretenons avec nos proches. Après deux ans à devoir garder nos distances et fêter les anniversaires devant un écran d’ordinateur, la chose qui nous angoisse le plus alors que nous devrions avoir la possibilité de passer les fêtes de fin d’année avec ceux que nous aimons, c’est de savoir si nous allons pouvoir arriver avec le coffre rempli de cadeaux. Des présents qui, comme à chaque fois, seront oubliés dans un placard ou sous un lit au bout de quelques jours. Ou même carrément revendus sur les sites spécialisés.

Quelle est la réponse que les journalistes proposent ? Faites les courses, tout de suite ! Soyez plus malin que votre voisin. Foncez dans le magasin le plus proche et achetez immédiatement le plus de cadeaux possibles avant qu’ils viennent à manquer. Tant pis si d’autres n’en auront pas. Tant pis si ce que vous achetez ne correspond pas tout à fait à la personne à qui vous allez l’offrir. ACHETEZ, ACHETEZ, ACHETEZ !

Reposer la question de comment remplir nos vies

Il me semblait pourtant que cette pause forcée nous avait permis de prendre le temps de poser un regard neuf sur nos vies. Quelles sont les choses vraiment essentielles ? Pourquoi avons-nous arrêté de passer du temps avec nos proches ? Comment se fait-il que les écrans aient pris autant de place dans nos vies ? Est-ce que le fait de me rendre toutes les fins de semaine dans les magasins pour faire du shopping contribue vraiment à mon bien-être ?

Nous avons redécouvert l’importance des moments passés en famille, de regarder la pluie sur la fenêtre, de se replonger dans un de nos livres préférés, de se faire de bons petits plats à manger. Nous n’avons pas souffert de l’absence de nouveaux jouets. Nous avons souffert du vide que celles et ceux que nous ne pouvions plus voir ont laissé dans nos vies. Nous n’avons pas regretté ces heures passées dans des centres commerciaux bondés. Nous avons rêvé de pouvoir nous promener au contact de la nature, dans un parc, dans une forêt, en montagne ou sur le bord d’une plage.

Alors que reviennent les habitudes de nos anciennes vies avec le rythme de dingue et les to do lists à cocher, comment avons-nous pu oublier aussi rapidement nos bonnes résolutions prises il y a quelques mois ? Plus de sens, plus de liens, plus de contacts avec le reste du Vivant, plus d’art, plus de rires… autant d’activités qui font vraiment du bien et qui sont souvent détachées du fait de devoir sortir sa carte bleue.

Offrir du bonheur à nos proches

L’économie mondiale, malgré elle, nous envoie un rappel. Ces soubresauts sont là pour nous rappeler que nous ne voulons plus courir dans nos roues comme des hamsters et passer nos journées à passer de la case transports à la case travail à la case magasins sans prendre le temps de souffler. Il va y avoir une pénurie mondiale de cadeaux ? Magnifique ! Profitons-en pour changer ces habitudes superflues dont nous rêvions secrètement de nous débarrasser il y a quelques mois. Troquons notre fièvre acheteuse par une envie du meilleur pour nous-mêmes et nos proches. Je vous le disais : plus de sens, plus de liens, plus de contacts avec le reste du Vivant, plus d’art, plus de rires… Et là bonne nouvelle c’est que toutes ces choses, même si elles ne s’achètent pas, peuvent s’offrir !

Un cadeau immatériel reste un vrai cadeau. Pourquoi ne pas éditer des « bons pour » que vous pourriez distribuer à votre famille et à vos amis chers pour leur faire plaisir ? Une séance de cuisine pour enseigner les ficelles de votre recette fétiche ? Des cours de musique si vous savez jouer d’un instrument ? Une balade en forêt pour faire découvrir votre lieu préféré ? Un temps à deux pour aider une association ? Un massage ? Une chasse aux trésors que vous auriez organisée dans le jardin pour les plus jeunes (ou pas) ? Vous l’avez compris, votre imagination est la seule limite.

Dans le même esprit et si vous avez un petit budget, vous pourriez offrir des places de théâtre à votre sœur, des billets pour une exposition à votre père ou un match de sport à votre mère (ou l’inverse).

Et si jamais vous tenez absolument à offrir des cadeaux tangibles, il y a des alternatives locales fantastiques ! Les producteurs de miel ont vécu une année très difficile, vous pourriez acheter leurs produits régionaux pour les soutenir. Le Défi Rien de Neuf lancé il y a quelques années vous donne aussi une belle quantité de pistes pour acheter des cadeaux d’occasion qui feront mouche. Et Ecosia propose même d’offrir la plantation d’arbres pour participer au changement, un cadeau bénéfique à bien des niveaux que nous pouvons recevoir en plusieurs exemplaires sans problème…

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