S’adapter ou disparaître ?
La deuxième partie du sixième rapport du Groupe intergouvernemental d’experts sur le changement climatique (GIEC) a été publié ce lundi 28 février et insiste sur les impacts du changement climatique avec un message fort : « Si les températures dépassent les 2°C de réchauffement, le développement résilient au changement climatique deviendra impossible dans certaines régions du monde…Les preuves scientifiques sont sans équivoque : le changement climatique est une menace pour le bien-être humain et la santé de la planète. Tout retard supplémentaire dans une action mondiale concertée sera une occasion manquée pour assurer un avenir vivable ».
Si les conclusions tirées par le GIEC sont forcément inquiétantes, les scientifiques concèdent que le pire peut encore être évité. « L’une des choses qui, selon moi, est vraiment, vraiment claire dans le rapport, c’est que oui, les choses vont mal, mais en fait, l’avenir dépend de nous, pas du climat », a déclaré à la BBC la docteure Helen Adams, l’une des principales autrices du rapport. Hans-Otto Pörtner, coprésident du Groupe de travail II du GIEC, ajoute : « En restaurant les écosystèmes dégradés et en préservant efficacement et équitablement 30 à 50 % des habitats terrestres, océaniques et d’eau douce, la société profitera de la capacité qu’a la nature d’absorber et de stocker le carbone et nous accèderons plus vite à un développement durable, mais la volonté politique et un financement adéquat sont essentiels ».
Reprendre notre place parmi le Vivant
Face à une alerte d’une telle ampleur, comment les États peuvent-ils rester sourds ? Les changements doivent être systémiques et donc politiques et économiques. Sans tarder, nous devons réussir à remettre l’humanité à sa place : parmi le Vivant ! C’est valable pour nos entreprises, pour nos villes, pour nos organisations mais aussi pour nous, citoyennes et citoyens. Car l’enjeu du 21ème siècle est là : ne plus voir l’être humain comme un simple agent économique qui achète, utilise, gaspille, accumule et jette, mais bien comme une partie de la chaîne du Vivant qui se nourrit de son interdépendance.
Comme le dit Dominique Bourg dans son livre « Une nouvelle Terre » : « L’idée d’une humanité extérieure et étrangère à la nature est devenue insoutenable. Nous nous apparaissons désormais comme des animaux relevant du vivant terrestre, d’un genre certes particulier, mais néanmoins animal. » Ne plus détruire est un prérequis. Considérer les autres espèces et tous les espaces naturels comme des sujets de droit à part entière facilitera cette protection. Des conditions nécessaires qui serviront de socle solide à cette nouvelle société durable et solidaire.
Les citoyens pour montrer l’exemple en ville…
Se montrer à la hauteurs des enjeux du 21ème siècle est en réalité l’occasion de reprendre du pouvoir sur nos vies. Et même si les individus ne peuvent porter à eux seuls la responsabilité de ce changement, il y a des actions que nous pouvons mettre en place pour montrer le chemin ! Prendre du temps dans nos vies pour se mettre au service d’une cause qui nous dépasse est salutaire à tous les niveaux. Les missions possibles sont diverses, adaptées aux réalités et aux envies de chacun avec des spécificités selon les territoires.
Dans les villes, où la nature tient désormais (au mieux) le rôle de figurante domestiquée, le travail ne manque pas. Les tentatives de revégélatisation non plus. C’est par exemple la mission que se sont fixés des habitantes et habitants de grandes villes, suivant l’exemple de San Francisco à travers le mouvement PARK(ing) DAY. Le temps de quelques jours, « les espaces bétonnés deviennent des lieux d'initiatives engagées, originales et créatives. Par le biais de ces parenthèses poétiques et ludiques, PARK(ing) DAY est une réflexion globale sur l'espace urbain, sur la place qui y est faite à la nature et sur la qualité de vie en centre-ville ».
À Paris, l’association Vergers Urbains, créée en 2012 a pour but de rendre la ville comestible, par un large éventail de modes d’action. Jardins de rue, fermes urbaines, tiers-lieux agriculturels, jardins pégagoqiques, etc. le collectif compte aujourd’hui plus de soixante-dix projets à son actif et « chacun questionne la place de l’agriculture et de la nature dans ces espaces communs urbains, ainsi que la place des citoyens dans la mise en valeur de leur quartier, à travers des actions participatives relevant d’un fort enjeu social. »
Toujours en ville, depuis 2015, l'association Haie-Magique organise chaque année en Ile de France près de 50 chantiers ouverts à tous pour créer et entretenir des espaces naturels, installer des micro-fermes urbaines, planter des arbres et arbustes (plus de 5000 par an) sur des espaces publics. Et leur ambition est de révéler le sylviculteur en chacun d’entre-nous avec un message simple : « Partout en France, chacun peut selon son contexte lancer un projet Haie-Magique et contribuer à son échelle au soutien de la biodiversité. En ville comme à la campagne, il suffit d'une dizaine de m² pour planter une haie bocagère. » Ça donne envie !
…et sur tout le territoire
En sortant de nos cités bétonnées, les enjeux de préservation et de régénération des éco-systèmes sont tout aussi primordiaux. Pour continuer sur la thématique des haies, il faut savoir que depuis les années 1950, 70 % des haies, alliées dans la lutte contre le changement climatique, ont disparu des bocages français. Là encore, les françaises et français montent au créneau, c’est le cas d’Etienne Monclus, un technicien bocage qui a décidé de se lancer dans la plantation de haies champêtres bénévolement en compagnie de quelques amis. Depuis 2018, l’association La Maison Botanique a permis de constituer un collectif de planteurs de haies bénévoles dans le nord du Loir-et-Cher, en plein Perche. Au total, en trois ans, 10 000 arbres ont été plantés et 7 000 devraient l'être en 2022.
Si vous êtes sensibles à la préservation de la faune, là encore, plusieurs opportunités s’offrent à vous. Dans le Vercors, où le vautour a été réintroduit depuis le début des années 2000, les bénévoles de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO) participent chaque année à plusieurs suivis et comptages des vautours, en partenariat étroit avec le Parc naturel régional du Vercors et l’association « Vautours en Baronnies » afin d’étudier les populations de vautours drômoises. À Mayotte, les membres de Sea Shepherd œuvrent à protéger les tortues des braconniers. Plus accessible enfin, vous pouvez vous rapprocher de LPO pour créer un refuge pour la biodiversité, que vous ayez un balcon, un jardin, ou plus largement dans votre collectivité, votre établissement ou votre entreprise.
Inspirés par cet élan citoyen, les pouvoirs publics montent au créneau. Dans le Jura, en forêt domaniale de Chaux, l’ONF et ses partenaires réalisent depuis 2015 des travaux avec pour objectif de restaurer l'habitat, la biodiversité et la capacité de rétention en eau sur près de 45 kilomètres de ruisseaux. Et les services engagés se félicitent de « premiers résultats… très encourageants, tant pour les milieux aquatiques que pour l'évolution de l'humidité des sols ». Mais aussi dans le Bas-Rhin où la forêt de la Robertsau, au nord de Strasbourg, a été classée Réserve Naturelle National, à l'occasion du Conseil de défense écologique du 27 juillet 2020 par le ministère de la Transition écologique. Une nouvelle aire protégée en faveur de la biodiversité.
Un engagement pour un temps ou pour la vie
Pour la jeunesse française, d’autres opportunités sont à saisir, notamment grâce à la formule du Service Civique dont l’impact positif n’est plus à démontrer, aussi bien pour les jeunes, les structures qui les accueillent, les tuteurs qui les accompagnent, que pour l’ensemble de la société. Chaque année, les missions de Service Civique sont de plus en plus tournées vers les enjeux écologiques. C’est par exemple le cas de l’association Unis-Cité, qui est à l’origine de la formule du Service Civique et qui référence aujourd’hui sur son site Web cinq missions pour se mettre au service de la cause environnementale : Mobilit’Terre, Ecovolonterre, Anti-Gaspi, Volontaire de la Transition Énergétique et Médiaterre.
Des missions passionnantes et déférentes qui réduiront le potentiel destructeur de nos activités et de nos modes de vie tout en participant par ailleurs à générer un sentiment d’appartenance territoriale fort. Des travaux adaptés à tous les moments de la vie, même quand certains sont particulièrement durs, avec la possibilité de dédier plus de temps à des projets spécifiques. Puis peut-être même professionnaliser cet engagement pour les citoyens qui décideraient de s’y consacrer à plein temps. À l’image des parlementaires démocrates américains qui espèrent d’ailleurs faire adopter un programme baptisé Civilian Climate Corps (“Protection civile climatique”) pour créer des millions d’emplois publics dans la transition écologique. Une mesure dans la droite ligne du Civilian Conservation Corps lancé dans les années 1930 par le président Franklin D. Roosevelt, qui avait permis l’embauche de trois millions d’Américains.
Car finalement, recréer du lien avec la nature, c’est aussi recréer du lien avec soi-même avec en prime une rétribution hors norme : la fierté de participer au retour de la vie sous toutes ses formes.