Cette semaine, nous avons émis une proposition qui a fait les gros titres : Ecosia a offert de gérer Google Chrome. Cette éventualité pourrait réécrire les règles d'Internet et le destin de notre planète.
Au cœur de cette idée se trouve une question simple : et si les ressources numériques les plus précieuses au monde étaient utilisées pour le bien commun plutôt que pour les profits individuels ?
Que proposons-nous, concrètement ?
Nous ne voulons pas détenir Chrome éternellement. Notre idée est simple : soustraire Chrome au monopole de Google et le placer sous la gestion d'une organisation engagée, en commençant par Ecosia. Pendant dix ans, nous gérerions le navigateur dans l'intérêt du public et dirigerions la majorité de ses profits vers des solutions climatiques plutôt que dans les poches des actionnaires.
Google ne repartirait pas les mains vides. Nous lui verserions 400 milliards de dollars de dédommagement, soit dix fois ce que d'autres ont proposé. Après une décennie, nous transférerions la gestion de Chrome à une autre organisation engagée, pour que le navigateur demeure une ressource publique, pas un trophée d'entreprise parmi d'autres.
Ainsi, à chaque fois que des milliards de personnes utiliseraient Chrome, elles ne feraient pas que naviguer sur Internet : elles contribueraient à sauver la planète.
Chrome pourrait financer un avenir plus vivable
Nos calculs indiquent que Chrome, grâce à sa part de marché dominante et sa connexion au système publicitaire de Google, pourrait générer des profits équivalents à 1 billion de dollars sur les dix prochaines années. Et non, ce n'est pas une faute de frappe.
Imaginez ce que nous pourrions faire avec une telle somme :
Protéger les dernières grandes forêts tropicales sur Terre
Chaque année, 6 milliards de dollars seraient versés à un fonds de protection dédié à la conservation de plus de 900 millions d'hectares dans des forêts primaires irremplaçables. Cela comprendrait, chaque année, 3 milliards de dollars pour conserver 550 millions d'hectares dans la forêt amazonienne, 2,8 milliards pour protéger les 300 millions d'hectares du bassin du Congo, et 200 millions pour préserver les forêts de Bornéo et Sumatra. Ces écosystèmes sont les poumons de la planète et, une fois détruits, ils ne pourront pas être remplacés.
Reboiser à une échelle que l'humanité n'a encore jamais entreprise
Un investissement unique de 80 milliards de dollars permettrait de faire renaître certains des paysages les plus emblématiques de la planète. Avec 37 milliards de dollars, nous pourrions relier la forêt amazonienne à la forêt atlantique par le biais de deux couloirs de biodiversité, restaurant ainsi plus de 70 millions d'hectares de terres. Avec une somme de 33 milliards de dollars, nous pourrions finaliser la Grande muraille verte africaine, une barrière de 8 000 kilomètres destinée à stopper l'avancée du Sahara, à sécuriser les systèmes alimentaires et à soutenir des millions de personnes. 10 milliards de dollars supplémentaires permettraient de financer un fonds mondial pour l'agroforesterie, afin d'aider les agriculteur·ices à adopter des pratiques d'usage des sols plus durables et plus efficaces. Et à l'aide de 15 milliards de dollars, nous pourrions planter assez d'arbres dans les 20 plus grandes villes des États-Unis pour faire baisser la chaleur urbaine de 1 °C, afin de sauver des vies en période de canicule.
Faire respecter la justice environnementale
Avec 15 milliards de dollars par an, nous pourrions renforcer notre défense de la planète. Nous consacrerions par exemple 3 milliards de dollars par an à soutenir 10 000 avocat·es qui s'attaqueraient aux secteurs les plus destructeurs sur Terre, qu'il s'agisse du pétrole ou de la viande industrielle. Dans le même temps, 3 milliards de dollars seraient consacrés à des campagnes contre les subventions accordées au secteur fossile, qui diminuent artificiellement le prix des énergies polluantes. En outre, 3 milliards supplémentaires serviraient à lutter contre la désinformation qui cache le vrai coût de la malbouffe et de l'élevage industriel. 1 milliard de dollars aiderait les peuples autochtones à protéger et faire appliquer leurs droits à la terre. Enfin, 5 milliards de dollars serviraient à financer des ONG citoyennes à travers le monde, donnant les moyens aux communautés locales de mettre en place leurs propres solutions climatiques.
Favoriser l'énergie propre là où il y en a le plus besoin
Les pays du Sud sont en première ligne de la crise climatique, mais ils ne reçoivent qu'une fraction du capital nécessaire pour investir dans l'énergie propre. Nous consacrerions 30 milliards de dollars par an à changer cet état de fait. Ainsi, 20 milliards iraient à une structure de protection de premier niveau, destinée à atténuer les risques des projets liés aux énergies renouvelables. Nous estimons que cela permettrait de débloquer 1 billion de capital privé chaque année, assez pour combler la moitié du déficit d'investissement actuel. Les 10 milliards de dollars restants contribueraient à satisfaire les énormes besoins énergétiques des centres de données consacrés à l'IA, pour que ce secteur en expansion rapide n'accélère pas la crise climatique.
Et ce qui est le plus surprenant dans tout ça ? L'ensemble de ces sommes représente moins de 60 % des profits attendus de Chrome.
En d'autres termes, sauver la planète est abordable. Mais jusqu'à présent, les ressources ont été allouées au mauvais endroit.
Repenser les solutions aux monopoles
Généralement, quand les monopoles s'achèvent, les ressources atterrissent simplement dans les mains d'autres milliardaires et fonds d'investissement. Notre proposition pose la question suivante : pourquoi ne pas tirer parti de ce moment pour créer un récit différent, où un produit utilisé par des milliards de personnes au quotidien deviendrait un agent direct de l'action climatique ?
Nous verserions tout de même à Google 400 milliards de dollars de dédommagement, soit plus de dix fois ce que d'autres ont proposé. Mais, au lieu de rediriger l'excédent dans les poches des actionnaires, nous l'utiliserions pour la protection de la planète.
Une occasion à ne pas manquer
Pour une fois, nous n'avons pas à imaginer une utopie. Les calculs sont là, l'opportunité est bien réelle, et le seul obstacle est la volonté politique.
Selon nous, ce moment devrait constituer un précédent : lorsque la société gagne un procès antitrust, l'issue devrait bénéficier à la société. Et quand les enjeux ne sont ni plus ni moins que la stabilité du climat et des écosystèmes, nous nous devons d'être à la hauteur.