Vers du chocolat plus durable : nos arbres au Togo

ANTONIA
ÉCRIT PAR

Antonia Burchard-Levine

Antonia est Network and Impact Officer au sein de l’équipe de plantation d’Ecosia. Elle gère des projets de reforestation et assure le suivi des arbres sur le terrain.

Le cacao joue un rôle central dans l'économie de l'Afrique de l'Ouest. En effet, près de 60 % du cacao cultivé dans le monde l'est autour du golfe de Guinée, où d'innombrables familles de petit·es exploitant·es dépendent de cette plante pour gagner leur vie. 

Mais derrière votre délicieuse tablette de chocolat se cache une vérité complexe : l'augmentation de la demande mondiale en cacao accroît la déforestation, érode les sols et menace la biodiversité dans l'ensemble de l'Afrique de l'Ouest.

Heureusement, il existe une approche alternative, et c'est pour cela que j'ai rendu visite à un partenaire de longue date d'Ecosia, l'APAF (Association pour la promotion des arbres fertilitaires). Cette organisation pionnière de l'agroforesterie est active dans la région depuis plus de 30 ans.

Nous avons initié un partenariat avec l'APAF en Côte d'Ivoire en 2019, puis avons étendu cette collaboration au Togo en 2024, avec pour objectif ambitieux d'y planter 6,8 millions d'arbres. Quelques mois plus tard, 2,23 millions d'arbres poussent déjà dans plus de 1 500 emplacements. Je me suis rendue au Togo pour voir l'avancée du projet de plus près. 

Un immense merci à l'équipe togolaise de l'APAF et aux agriculteur·ices sur place pour le partage d'informations !

Des monocultures aux forêts prospères grâce aux arbres fertilitaires

Le cacao est une culture commerciale vitale pour le Togo et ses pays voisins, mais on le fait souvent pousser dans de vastes parcelles en monoculture, avec des produits chimiques qui appauvrissent les sols, polluent l'eau, portent atteinte à la biodiversité et mettent en danger la santé des agriculteur·ices. L'APAF promeut une méthode alternative : la pratique ancestrale de planter des arbres fertilitaires dans les parcelles de cacaotiers.

Les arbres fertilitaires enrichissent naturellement les sols en fixant l'azote contenu dans l'air et se débarrassant de leurs feuilles riches en nutriments. Lorsqu'on les fait pousser à partir d'une graine, ces arbres développent des racines pivotantes très profondes (entre 10 et 30 mètres) pour capter des minéraux essentiels et de l'eau. Leurs racines comportent également des bactéries (les rhizobiums) et des champignons (les mycorhizes) qui fixent l'azote, permettant ainsi de créer des nutriments pour les cultures alentour.

Par la génération de ressources naturelles, ces arbres éliminent les besoins en engrais synthétiques, qui sont coûteux et gourmands en énergies fossiles (deux tonnes de carburant par tonne d'engrais !) et qui s'écoulent souvent dans les nappes phréatiques.

L'utilisation à grande échelle des arbres fertilitaires permet également de réduire le recours à l'agriculture sur brûlis. En effet, la croissance démographique accentue la pression sur les terres agricoles, car les parcelles sont cultivées jusqu'à l'épuisement, puis abandonnées sans perspective de régénération. Cela mène les paysan·nes à dégager les zones en lisière des forêts. L'introduction d'arbres fertilitaires restaure la santé des sols, permet une culture en continu et réduit la déforestation, créant ainsi un modèle durable à la fois sur le plan agricole et économique. 

Le travail de l'APAF sur le terrain

L'APAF affine son modèle depuis trois décennies. L'organisation a démarré au Togo au début des années 90, pour s'étendre ensuite à la Côte d’Ivoire, au Cameroun, au Sénégal, au Bénin et récemment au Burundi.

Les conseillers et conseillères sur le terrain jouent un rôle crucial dans la mise en œuvre. Ils et elles forment les agriculteur·ices, travaillent en étroite collaboration avec les populations pour introduire des arbres fertilitaires, fournissent une assistance technique pour que les arbres soient en bonne santé et nourrissent les terres, et enseignent aux habitant·es en quoi ces pratiques améliorent la santé des sols, le rendement des cultures et l'avenir des familles.

Les paysan·nes qui participent aux programmes de l'APAF peuvent se fournir en semis dans les pépinières communes, pour ensuite les planter sur leurs parcelles. De nombreuses graines proviennent d'anciens sites de l'APAF, ce qui crée un circuit fermé de régénération. 

En parallèle de la plantation d'arbres, l'APAF promeut la régénération naturelle assistée, qui encourage la pousse de jeunes arbres sauvages plutôt que leur élimination durant l'entretien régulier des terrains. Les paysan·nes, avec les conseillers et conseillères, identifient et signalent les jeunes arbres qui poussent naturellement, pour qu'ils puissent grandir et devenir un élément important du système d'agroforesterie.

L'histoire de Kpokpoe Kossi, paysan

Lors de ce voyage, j'ai rendu visite à Kpokpoe Kossi, un cultivateur de cacao qui a emménagé sur sa parcelle il y a cinq ans. Avec le soutien de l'APAF et d'Ecosia, il a planté de nouveaux cacaotiers aux côtés de ceux qui étaient déjà là et a ajouté des arbres fertilitaires.

Monsieur Kossi vit sur son terrain avec sa fille et ses trois petits-enfants. Il vit presque entièrement en autosuffisance : il fait pousser du cacao, récolte et fait fermenter les fèves par intervalles de quelques semaines et les vend à une coopérative locale. En plus du cacao, il fait pousser des plantes vivrières et ne va au marché que pour acheter du sel, ou parfois un poisson pour célébrer une occasion spéciale. 

Ce qui m'a le plus frappée, c'est qu'il m'a avoué ne jamais avoir goûté de chocolat. C'est le cas pour la plupart des paysan·nes que j'ai rencontré·es : ils et elles savent que leurs fèves sont exportées, mais leur destination et leur forme finales restent un mystère.

C'était un rappel essentiel sur la complexité des chaînes d'approvisionnement menant de la fève de cacao à la tablette de chocolat, et sur la distance qui sépare les agriculteur·ices des produits que nous consommons au quotidien. 

Mesurer l'impact des projets

L'objectif principal de ma visite était de voir combien d'arbres poussaient. Sur 1 500 sites, nous en avons choisi 19 au hasard et avons calculé la densité par échantillons, afin de mesurer le taux de survie et de pousse des arbres.

Les résultats se sont avérés encourageants : les taux de survie moyens se situaient à plus de 150 %. Cela reflète non seulement la bonne implantation des arbres, mais aussi une sensibilisation accrue à la régénération naturelle grâce aux conseillers et conseillères sur le terrain. En d'autres termes, les forêts reviennent plus rapidement et en meilleur état qu'on ne l'espérait.

Réflexions

En explorant ces terres et forêts, j'ai constaté la différence : davantage d'ombre et de diversité, et un retour de la vie. En bref, des parcelles florissantes. L'agroforesterie n'est pas une solution rapide, car les arbres mettent plusieurs années à pousser. Mais c'est une réponse durable.  

Souvent, le plus difficile est de convaincre les paysan·nes que l'agroforesterie et les arbres fertilitaires aboutissent à des résultats plus efficaces et plus durables que les engrais chimiques coûteux. Heureusement, en raison de la longue présence de l'APAF sur le terrain, les autres agriculteur·ices peuvent voir les résultats sur les parcelles voisines et sont ouvert·es aux conseils.

L'agroforesterie permet aux paysan·nes de gagner leur vie tout en restaurant des écosystèmes et en donnant au cacao une chance de pousser en harmonie avec la nature plutôt qu'à ses dépens. Le partenariat d'Ecosia avec l'APAF au Togo est encore récent, mais il porte déjà ses fruits. Avec des millions d'arbres supplémentaires à venir, la vision est claire : un environnement plus résilient, où les populations comme la nature peuvent prospérer.

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